« Qu’est-ce que le stress ? Quels impacts sur le système immunitaire ? »
Le système immunitaire du cheval est très important car il lui permet de faire face aux diverses agressions provenant de l’environnement. Il doit être en mesure de repérer rapidement l’entrée d’un pathogène dans l’organisme afin d’y répondre au mieux. Les barrières physiques et mécaniques, telles que la peau, les muqueuses, l’acidité gastrique, le microbiote, etc., constituent les premières lignes de défense contre les pathogènes, les empêchant d’entrer dans l’organisme. Cependant, malgré la présence de ces barrières, certains pathogènes parviennent à entrer dans le corps et c’est ainsi que la réponse immunitaire s’active.
Les maladies ou parasites, certaines conditions environnementales (alimentation, exposition aux moisissures, etc.), le stress, l’âge, certains médicaments, peuvent dérégler le système immunitaire du cheval, entraînant une sensibilité accrue aux infections ou à des réactions immunitaires anormales. Ces réactions anormales peuvent prendre la forme de maladies auto-immunes (l’organisme génère une réponse immunitaire contre lui-même), de déficit immunitaire (l’organisme ne parvient pas à générer une réponse immunitaire appropriée contre des micro-organismes envahisseurs), ou de réaction allergique(l’organisme génère une réponse immunitaire excessive à des antigènes étrangers, souvent inoffensifs).
1. Le stress : un ennemi invisible aux multiples visages
Le stress n’est pas simplement un état émotionnel, c’est un ensemble de réactions physiologiques déclenchées par divers facteurs. Si l’on considère les nombreux facteurs de stress (entrainements/compétitions, transport, changements d’environnements, etc.) auxquels les chevaux domestiques sont soumis, le maintien d’un système immunitaire performant est une préoccupation majeure.
- Le stress physiologique : impact sur le système immunitaire
Le stress physiologique désigne une réponse de l’organisme à un facteur externe, appelé “stresseur” qui perturbe l’équilibre interne du corps. Lorsqu’un cheval est confronté à une situation stressante ou à une maladie, son organisme réagit en activant différentes régions du cerveau, notamment l’hypothalamus. Cela déclenche la production de certaines hormones, comme l’adrénaline et le cortisol, par les glandes surrénales. Ces hormones préparent le corps à réagir rapidement : le cœur bat plus vite, la respiration s’accélère, et la circulation sanguine est redirigée vers les muscles – ce qui détourne l’énergie du système immunitaire. Cette réaction, souvent appelée “réaction de lutte ou de fuite”, est conçue pour aider à faire face à un danger immédiat.

Cependant, alors que le stress aigu et son système immunitaire régulé à la baisse son anti-inflammatoires, le stress à long terme, ou chronique, peut affaiblir les défenses et paradoxalement renforcer certains aspects de l’inflammation. Des niveaux de cortisol élevés sur une longue période, dus à un stress chronique, à des douleurs persistantes ou à des troubles métaboliques, peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. En plus de l’insuffisance immunitaire, cela peut entraîner la dégradation des protéines dans les tissus, augmenter la perméabilité de la muqueuse intestinale, et favoriser le passage de bactéries dans la circulation sanguine.
Le cortisol, l’hormone du stress
Le cortisol a un impact majeur sur le corps du cheval. Lorsqu’il est exposé à une menace, le cortisol augmente la production de glucose, fournissant au cheval un sursaut d’énergie physique pour faire face aux dangers.
Le cortisol détourne l’énergie du système immunitaire, qui est très exigeant sur le plan métabolique, pour la rediriger vers le cœur, les poumons et les muscles. Les cytokines pro-inflammatoires sont inhibées et les cytokines anti-inflammatoires sont stimulées. Ce mécanisme est un compromis évolutif : il faut d’abord échapper au prédateur et, en cas de succès, avoir le temps de s’occuper de l’inflammation plus tard.
Une fois le danger passé, le cortisol inhibe sa propre production pour revenir à des niveaux normaux, réduisant ainsi les risques d’une réponse prolongée au stress : c’est le stress aigu.
- Du stress physiologique au stress oxydatif
Les mécanismes mis en place par l’organisme du cheval pour faire face au stress et augmenter la production d’énergie incluent l’augmentation de la production de glucose pour fournir de l’énergie rapide et la mobilisation des graisses et des protéines pour libérer des ressources énergétiques. Cependant, lors de l’activation de ces mécanismes, des radicaux libres et des espèces réactives de l’oxygène sont générés.
Lors du stress physiologique, ces radicaux libres sont produits en grande quantité, ce qui surcharge les systèmes de défense antioxydants du corps, créant un déséquilibre entre la production et la neutralisation des radicaux libres : c’est le stress oxydatif.
La réciproque du stress oxydatif et du stress physiologique
Les effets du stress oxydatif sur le corps peuvent, à leur tour, aggraver le stress physiologique. En effet, l’endommagement cellulaire causé par les radicaux libres peut affaiblir des organes vitaux, aggravant ainsi les effets du stress physiologique et entraînant une dégradation supplémentaire de l’état général du cheval.
- L’interaction entre le stress et les maladies
En cas d’infection, la réponse immunitaire peut entraîner la production de radicaux libres, qui jouent un rôle clé dans la destruction des pathogènes. Cependant, certains pathogènes ont développé des mécanismes pour résister à ces radicaux libres. C’est notamment le cas des parasites responsables de la maladie de Lyme et de la piroplasmose chez le cheval. Ces mécanismes permettent aux pathogènes non seulement de survivre au stress oxydatif, mais aussi de se multiplier dans un environnement où l’organisme du cheval essaie de les éliminer.
On remarque d’ailleurs souvent que les conditions de stress sont favorables à la virulence des pathogènes. Cela est particulièrement vrai dans les infections chroniques ou récurrentes, où les pathogènes peuvent se cacher dans des réservoirs (tels que les globules rouges, par exemple) et se réactiver lorsque le système immunitaire est compromis ou affaibli par le stress.

FOCUS n°1 sur les maladies Piro-like
Les maladies Piro-like chez le cheval sont des affections qui présentent des signes cliniques similaires à la piroplasmose équine (Babesia caballi et Theileria equi), mais qui sont causées par d’autres agents pathogènes. Ce terme regroupe donc communément les maladies transmises par les tiques : piroplasmose, maladie de Lyme (Borréliose) et anaplasmose (anciennement nommée « Ehrlichiose ») ainsi que la leptospirose, souvent transmise par les rongeurs et la faune sauvage.
Les agents responsables des maladies Piro-like peuvent interagir de manière indirecte avec le stress oxydatif dans l’organisme du cheval. Ces agents ont développé des stratégies pour exploiter les états de stress dans leurs hôtes, ce qui leur permet de favoriser leur survie, leur propagation et leur virulence.
Un des mécanismes qu’ils utilisent consiste à manipuler les molécules réactives de l’oxygène produites durant la réponse immunitaire normale, pour perturber l’équilibre cellulaire et affaiblir les défenses du cheval. En plus de cela, les pathogènes sont capables de moduler le système immunitaire du cheval, réduisant ainsi l’efficacité de la réponse inflammatoire. Cela permet à l’infection de persister plus longtemps et d’affaiblir progressivement l’hôte.
La chronicité de ces maladies entraîne donc un affaiblissement progressif de l’immunité. Un stress oxydatif prolongé, causé par l’infection, peut mener à une réponse inflammatoire continue, qui épuise les ressources immunitaires du cheval.
Cette situation facilite la persistance de l’infection, permettant aux agents pathogènes de “coexister” avec l’hôte tout en exerçant une pression constante sur son organisme. Ce mécanisme rend la gestion du stress oxydatif particulièrement cruciale pour soutenir la résistance naturelle du cheval face à ces infections.
2. L'Intestin : un pilier du système immunitaire encore trop sous-estimé
Saviez-vous que près de 80 % des cellules immunitaires du cheval se trouvent dans son tube digestif ? Le tractus intestinal joue donc un rôle fondamental dans la régulation des défenses immunitaires.
- Stress et perméabilité intestinale
La peau du cheval est plutôt épaisse, pour protéger l’organisme des infections extérieures, mais la paroi intestinale doit rester fine pour permettre l’absorption des nutriments. Cela fait de l’intestin la principale porte d’entrée pour les pathogènes. C’est pourquoi 80 % du système immunitaire est concentré dans le tube digestif. Le système lymphatique, qui abrite la majorité des cellules immunitaires, joue un rôle clé dans cette défense et est particulièrement dense dans la région intestinale. Les vaisseaux lymphatiques se connectent à un réseau complexe de ganglions lymphatiques et pénètrent dans les milliards de villosités qui tapissent l’intestin. Cette organisation crée une relation étroite entre le système immunitaire et le microbiote intestinal, permettant une surveillance continue de la santé digestive et une réponse rapide face aux menaces.

Lorsqu’il devient trop important, le stress oxydatif peut entraîner des dommages cellulaires, une altération de la réponse immunitaire ainsi qu’une dégradation des tissus. Les cellules de l’intestin, par exemple, peuvent devenir plus perméables, favorisant le passage de bactéries et de toxines dans la circulation sanguine, ce qui peut augmenter le risque d’infections.
FOCUS n°2 sur les maladies Piro-like
Ces maladies peuvent avoir des conséquences assez directes sur le système digestif. Néanmoins, dans beaucoup de cas, ces troubles digestifs sont antérieurs à l’infection et expliquent en partie pourquoi le pathogène arrive à prendre le dessus sur le système immunitaire.

- La flore digestive : une autre victime du stress
Le stress chronique, en particulier l’élévation prolongée du cortisol, a un impact direct sur la composition du microbiote intestinal, et par conséquent, sur le système immunitaire. Le cortisol, produit en réponse au stress, peut altérer l’équilibre des bactéries intestinales en favorisant la croissance de micro-organismes potentiellement pathogènes, tout en réduisant la diversité des bactéries bénéfiques. Cette dysbiose (déséquilibre du microbiote) perturbe la fonction de la barrière intestinale, augmentant ainsi la perméabilité de l’intestin et facilitant le passage de toxines et de pathogènes dans la circulation sanguine. Cela déclenche une réponse inflammatoire, réduisant l’efficacité du système immunitaire et le rendant plus vulnérable aux infections. Un microbiote intestinal sain est donc essentiel pour soutenir une réponse immunitaire optimale, car il joue un rôle clé dans la régulation des cellules immunitaires et dans la production de molécules protectrices.
CONCLUSION
Le système immunitaire du cheval est un équilibre fragile, influencé par de nombreux facteurs. Stress chronique, déséquilibre du microbiote intestinal, maladies ou encore conditions environnementales inadaptées peuvent affaiblir ses défenses naturelles et le rendre plus vulnérable. Or, un cheval en pleine santé repose avant tout sur un système immunitaire fort et résilient, capable de répondre efficacement aux agressions tout en évitant les dérives inflammatoires ou auto-immunes.
Maintenir cet équilibre repose sur une approche globale du bien-être du cheval, alliant un environnement sain, une gestion efficace du stress et une alimentation équilibrée. Les minéraux, oligo-éléments et vitamines sont essentiels au bon fonctionnement du système immunitaire, en soutenant la régénération cellulaire et en aidant à lutter contre le stress oxydatif. Toutefois, face à des pathogènes particulièrement complexes, comme ceux responsables de la maladie de Lyme ou de la piroplasmose, un soutien renforcé devient indispensable. Cela passe par une prise en charge ciblée du stress oxydatif, un renforcement des défenses immunitaires et la préservation de l’intégrité des muqueuses intestinales et du microbiote, qui jouent un rôle clé dans la protection de l’organisme contre les infections.