L’alimentation du cheval en surpoids / SME

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Les chevaux au métabolisme lent/rustique, faits pour vivre dans des milieux difficiles (désertique, très chaud, très froid …) vont avoir tendance à déclarer ce que l’on appelle le Syndrome Métabolique Équin (SME) lorsqu’ils se trouvent dans un milieu que l’on pourrait considérer trop favorable (défavorable en ce qui les concerne donc). Foin ou herbe à profusion, alimentation sucrée, trop riche, manque d’activité physique, sols surpâturés et acidifiés sont les ennemis de ces métabolismes.

Le Syndrome Métabolique Équin (SME) est lié à un certain type métabolique, ce n’est pas une maladie ! Le premier indice est en général la tendance à l’embonpoint, mais ce n’est pas toujours le cas (voir le cas de Viens Danser dans les articles précédents). Il faut parfois arriver jusqu’à la fourbure pour que le SME soit mis en lumière.

Poney shetland trop gros.
Une bande herbeuse.

Les principales caractéristiques de ce syndrome sont :

  • Tendance à l’embonpoint et à un stockage peu harmonieux des graisses : chignon, arrière de l’épaule, dos, garrot, abdomen, base de la queue principalement (voir article sur l’évaluation du score corporel).  Ces zones de stockage ont été analysées et génèrent à minima une dizaine d’hormones inflammatoires.
  • Insulino-résistance : l’insuline, hormone sécrétée par le pancréas, permet le transport du sucre dans les cellules pour qu’il soit transformé en énergie et en graisse, et ainsi stabiliser le taux de glucose (de sucre) dans le sang. Plus la quantité de sucre ingérée est importante, plus le pancréas doit sécréter d’insuline. De ce fait les récepteurs des cellules « s’habituent » à recevoir de grosses quantités d’insuline, et sont de moins en moins efficaces. Il faut donc des quantités d’insuline de plus en plus importantes pour obtenir le même résultat de stabilisation du taux de glucose. On parle ainsi de résistance à l’insuline, avec un pancréas qui s’épuise, un cheval qui reste en hyperglycémie en permanence, d’où la comparaison avec un diabète de type 2 chez l’humain. 
  • Résistance à la leptine : la leptine est couramment appelée « hormone de satiété ». Elle est directement dépendante de la proportion de gras dans l’organisme car elle est sécrétée dans les tissus adipeux. Des zones de stockage du gras importantes, une inflammation chronique de l’organisme, une flore intestinale déséquilibrée vont augmenter la production de leptine et finir par créer une résistance. La sensation de satiété n’étant plus générée, on observe une tendance à la boulimie chez les chevaux en surpoids.
  • Fourbures aiguës et/ou chroniques : la fourbure est (pour faire TRÈS simple) une inflammation plus ou moins importante des tissus du pied. Elle est révélatrice d’une inflammation généralisée de l’organisme, et bien souvent le dernier stade de cette inflammation, le plus douloureux et le plus difficile à gérer.
Vous l’aurez compris, l’organisme du cheval en surpoids est en inflammation. Une inflammation chronique, souvent douloureuse (la raideur du chignon au toucher est
révélatrice, tout comme la sensibilité des pieds). Physiquement, on peut donc déceler cette inflammation grâce aux zones de gras, mais également sur les pieds de beaucoup de chevaux, et globalement aussi par tout un tas de soucis métaboliques (abcès, emphysème, dermite, allergies etc.).

Cheval Fjord en surpoids.

Sur ces 2 poneys Fjord au même métabolisme, on voit bien la différence d’épaisseur de chignon.

Cheval Fjord en surpoids, atteint de SME
  • Pour gérer un syndrome métabolique équin, il va donc falloir … limiter l’inflammation de l’organisme !

Et comment limiter l’inflammation de l’organisme ? En limitant les facteurs inflammatoires !

Parmi les principaux facteurs d’inflammation généralisée (on ne parle pas ici d’inflammation locale à la suite d’un traumatisme ou une maladie spécifique), on retrouvera donc entre autres :

  • Tout ce qui est déséquilibre de la flore intestinale : excès de sucre (acidité), excès de fermentation, médications diverses (cortisone, vermifuges etc. qui bien que pouvant être indispensables, doivent être réalisés de manière raisonnée)
  • Poussières et mycotoxines qui entraînent une réaction immunitaire quasi permanente
  • L’excès de fer : les études montrent que le fer en excès, stocké notamment dans le foie du cheval, est pro inflammatoire, pro infectieux, pro oxydant, et qu’il a un rôle important dans l’augmentation de la résistance à l’insuline. De plus, il limite l’absorption du cuivre et du zinc qui au contraire, vont avoir un rôle anti-inflammatoire et sont important pour le système immunitaire.
  • L’oxydation important des cellules (manque d’antioxydants dans l’alimentation, activité importante, stress oxydatif etc.)
  • L’obésité avec un inflammation chronique des tissus adipeux

Globalement, toute agression produit une réponse immunitaire et donc une inflammation, qui est une réaction naturelle du corps visant à se défendre et à revenir à la normale. Si l’organisme complet subit une agression (par le biais de l’alimentation dans le cas présent) et que cette agression est quotidienne/permanente, on parlera donc d’inflammation chronique.

Agir sur ces facteurs inflammatoires :

  • Effectuer des cures de probiotiques (bactéries) et prébiotiques (nourriture des bactéries) régulièrement lors de changements alimentaires, médications, vermifugations, stress etc. Chez les chevaux en surpoids, l’apport de bonnes bactéries est intéressant car, comme chez l’humain, une flore intestinale déséquilibrée perturbe le comportement alimentaire. Il faut donc rétablir les bonnes bactéries pour le rétablir.
  • Adapter l’environnement global : favorise le mouvement, l’activité physique, éviter l’acidification des sols à cause des apports d’azote importants notamment, limiter le stress.
  • Maintenir l’hydratation : les électrolytes sont indispensables pour garder l’hydratation au niveau cellulaire mais également essentiels pour assurer les contractions cardiaques, musculaires, et intestinales, assurer une absorption intestinale correcte et le maintien du pH au niveau cellulaire. Si le fourrage est toujours excédentaire en potassium, il l’est rarement en sodium et en chlorure. Ajouter 10g de sel dans la ration permet de compenser les déséquilibres d’une bonne partie des fourrages (car une fois encore, tous les chevaux ne se régulent pas avec une pierre à sel car les quantités à absorber peuvent être trop importantes et leur brûler la langue).
  • Adapter l’alimentation : La question du foin/de l’herbe à volonté revient très souvent. Dans l’idéal, il faudrait effectivement que le cheval puisse se nourrir à volonté. Mais les chevaux rustiques, SME, prenant facilement du poids, sont, nous l’avons vu plus haut, bien souvent résistant à la leptine. Ils mangent donc plus que ce qu’il leur faut pour couvrir leurs besoins énergétiques (à l’inverse d’un pur-sang par exemple). Or, trop de calories ingérées = stockage. L’argument du cheval qui se régule tout seul est valable (éventuellement) pour des chevaux qui ne sont pas résistants à la leptine !

Les apports en vitamines et oligo-éléments sont capitaux pour les chevaux en surpoids :

Ils sont en surpoids donc ne reçoivent en général que du fourrage. Or, on le sait aujourd’hui, les fourrages sont déséquilibrés par rapport aux besoins des chevaux. Certains éléments sont parfois présents en excès, mais peuvent aussi manquer cruellement. Il faudra donc compenser le manque de certains oligo-éléments (le cuivre et le zinc notamment, en tenant compte des ratios d’assimilations qui sont différents et plus difficiles à gérer avec des chevaux rustiques, surtout avec l’excès de fer permanent – article à venir), mais aussi le manque de certaines vitamines (la vitamine E notamment, puissant antioxydant, présente dans l’herbe mais pas dans le foin), acides gras (les oméga 3, anti inflammatoires et régulateurs entre autre de la fonction hormonale, sont quasi inexistants dans le foin), et il n’y a pas non plus de bonnes bactéries vivantes comme dans l’herbe.

Enfin, le magnésium, très rarement présent en quantité suffisante dans les fourrages, a un rôle déterminant dans la régulation de l’insuline, à compléter donc !

D’un point de vue purement mathématique, plus les quantités de fourrage absorbées augmentent, plus les carences ou excès se creusent. Sur des chevaux ayant une tendance naturelle à stocker pour survivre, les effets sont donc beaucoup plus importants.

Quid des céréales ? 

Il est admis que pour limiter les pics d’insuline, les aliments ingérés ne devraient pas contenir plus de 10% de sucre et amidon cumulés (3% de sucre + 7% d’amidon par exemple). L’avoine contient environ 36% d’amidon, l’orge 52%, le maïs 65% … donner des céréales à un cheval SME peut donc s’avérer très problématique là où un métabolisme standard le supportera mieux. Attention également à certains aliments dont le taux de sucre et amidon est très bas, mais contenant beaucoup de luzerne ou d’herbes courtes, avec un taux de fer très inflammatoire.

Une bande herbeuse.

Rationner le foin (ou l’herbe) paraît donc indispensable tant qu’il y a résistance à l’insuline et à la leptine pour limiter à la fois un apport d’énergie et de sucre trop important et donc le stockage de mauvaises graisses et l’inflammation. Plusieurs moyens existent :

  • Filets à petites mailles
  • Distribution fréquente de petites quantités (attention à ne pas laisser un cheval sans manger pendant plus de 3 à 4h pour limiter le risque d’ulcères)
  • Paniers (attention au stress généré, les hormones de stress favorisant également inflammation et oxydation)
  • Mise à l’herbe progressive au printemps / système d’avancée au fil pour limiter la quantité d’herbe disponible

Et bien sûr couvrir les besoins en minéraux, vitamines et oligo éléments, anti oxydants et acides gras oméga 3, en limitant tous les facteurs inflammatoires supplémentaires.

On retiendra donc que c’est l’environnement qui permet de déclarer un Syndrome Métabolique Equin, car dans un environnement qui est favorable à son métabolisme, il n’y aura pas de symptômes. Il est tout à fait possible, avec des paramètres bien précis, de faire vivre des chevaux SME à l’herbe toute l’année !

Photo avant et après d'un cheval en surpoids, atteint du syndrome métabolique équin.

Après une injection de cortisone en mars 2019, ce cheval ayant déjà tendant à prendre du poids assez facilement a développé une importante résistance à l’insuline et à la leptine, des plaques de gras très marquées sur le dos, un chignon dur et douloureux, une sensibilité accrue à la poussière.

Seule la mise en place d’une restriction des apports par le biais d’un panier adapté, lui a permis de retrouver un poids normal en parallèle d’une complémentation adaptée mais insuffisante à réguler les effets de quantités de fourrage disproportionnées.

L’objectif aujourd’hui est de rétablir totalement son métabolisme grâce à des apports en minéraux, vitamines, oligo-éléments, pour lui permettre de vivre à nouveau toute l’année sans panier.

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